Pour le soixante-dixième anniversaire de Dior, le Groupe LVMH a sorti l’artillerie lourde.
Faisant la démonstration de sa puissance de feu, matraquage publicitaire à l’appui,
Il déploie la stratégie du rouleau compresseur, manifeste ses ambitions par l’occupation de la totalité du Musée, ne recule devant aucune dépenses pour la scénographie somptueuse signée, une fois encore, Nathalie Crinière.
Formidable promotion commerciale,
L’exposition retrace l’évolution du « style » à travers l’évocation chronologique des différents créateurs qui ont succédé au fondateur de la Maison Dior,
Décline les thèmes chers au Couturier invariablement repris par ses « successeurs.
Très intéressantes sur la plan de la documentation et de la biographie de Christian Dior, sa vie est minutieusement évoquée depuis le fairepart de sa naissance jusqu’à sa brutale disparition après dix années de succès ininterrompu à la tête de sa Maison.
Deux salles remarquables retracent la période « galeriste d’art moderne » du couturier.
La réunion des œuvres alors exposées regroupent des artistes allant de Salvador Dali ou Picasso jusqu’à Christian Bérard, l’ami et le décorateur de la première « Boutique » Dior.
Elles éclairent avec précision la « modernité » du futur couturier,
Contrebalancée par son gout pour un certain « classicisme » puisé comme celui des fleurs, depuis l’enfance, auprès de ses parents dans l’appartement du XVIE arrondissement ou le jardin de la villa des « Rhumbs » à Granville.
Dans les salles suivantes, étroites, basses de plafond et vitrines surchargées, débute la démonstration, par accumulation, de la « continuité » du style Dior.
Mannequins miniatures de l’époque ponctuent de-ci de-là une profusion d’accessoires, cols, chapeaux, chaussures, bijoux, gants, flacons de parfum dans un inventaire à la Prévert.
Saturation et claustrophobie menacent.
Suivent spectaculaires et aérés, les espaces consacrés aux thèmes récurrents de Dior, chacun repris par ses successeurs.
Prêt du Musée, un somptueux paravent en laque de Coromandel prend place dans la vitrine « Exotisme » ; la pendule de Marie-Antoinette en provenance de Saint-Cloud orne une console, au mur un portait de la Princesse de Polignac par Madame Vigée-Lebrun, viennent illustrer la tendance dix-huitième…
Immédiatement se profile l’inexorable évolution des créations, la tendance affirmé à partir des années quatre-vingts, au « travestissement », véritables déguisements « grand luxe ».
En enfilade, les espaces consacrés à chacun des créateurs qui ont succédé au couturier trop tôt disparu.
Une sélection qui reflète parfaitement la personnalité de chacun.
Monsieur Dior ne s’y était pas trompé en nommant Saint Laurent son héritier.
L’audace de son blouson de croco noir bordé de vison, la parfaite élégance dans la simplicité totale de sa petite robe de flanelle grise, suffisent à démontrer tout le talent de ce jeune homme timide tout juste âgé de vingt ans.
Sages et convenus, les modèles de Marc Bohan ne dénotent jamais.
Gianfranco Ferré apporte aux collections une note italienne et baroque.
Sa tenue de cocktail en soie marine plissée plat, près du corps avec juste ces savants pans de mousseline, du même coloris, partant des épaules, comme sa robe gitane aux volumes généreux, écharpe nouée au milieu du dos, illustrent aussi sa maitrise de l’équilibre, son sens des proportions dans une certaine sobriété.
Nommé par Bernard Arnaud en personne, on ne reviendra pas sur l’excentrique par qui le scandale arrive : l’anglais transgressif, John Galliano. Ses outrances ont provoqué les formidables résonnances médiatiques que l’on sait, offrant ainsi à cette discipline hors du temps une actualité perdue.
Bonne pioche d’un dirigeant averti.
A nouveau réunis, à l’exclusion, me semble-t-il, de la fameuse collection « clochard », l’ensemble de ses modèles s’apparentent à d’étonnants « costumes ». Destinés à la scène, au spectacle, conçus davantage pour « électriser » les journalistes que pour être portés par les femmes. Jusqu’à son éviction, il n’aura jamais manqué sa cible : dérouter, surprendre, choquer.
Peu sensible au minimalisme de Raf Simons, Maria Grazia Chiuri, première femme nommée à la tête de la maison de couture, me laisse aussi indifférente, pas davantage convaincue par son « Dior Revival ».
Après être passé devant le mythique tailleur « Bar » « trônant » seul au milieu du hall monumental, dans la salle suivante, exposées dans leur écrin tout en miroir pour former un éblouissant kaléidoscope blanc pur argent, s’alignent et se superposent jusqu’au plafond les toiles des modèles de toute époque, exposées dans leurs écrin tout en miroir.
Dans un modeste renfoncement, une table d’atelier. Au moment de ma visite, un ouvrier maroquinier découpait les anses d’un sac Lady Di…
Surpassant tous les effets des précédentes expositions (je pense au final de « Trois Siècles de Mode ») véritablement impressionnant : « le Bal » clôt la visite.
Un thème cher à Dior, époque où la « gentry » organisait de fabuleuses soirées privées, véritables évènements mondains largement relatés par la presse.
Sur les murs, d’extraordinaires projections, parviennent à recréer l’exact décor des salons de l’avenue Montaigne : les fameux lambris gris et blancs imaginés par Victor Gandpierre, toujours dans l’esprit dix-huitième.
Du Plafond, des cercles en pointillé de lumière baignent l’atmosphère d’une ambiance lactescente que vient souligner quelques emboitage transparent renfermant les modèles mis en exergue.
La robe Junon, automne-hiver 1948, haut bustier sur jupe à larges pétales s’étalant en un déclinaison de broderies allant du bleu, du turquoise au saphir avec des broderies de Rébé, en est des plus fameux exemples.
Impossible de tout décrire. Le soir demeure le point d’orgue de l’exercice, autorisant les plus périlleuses démonstrations d’un savoir unique s’étendant à tous les domaines de la « discipline »
L’abondance des modèles présentés pour chacun des créateurs ici réunis et mélangés dans un fol tourbillon, la diversité des styles, la richesse des broderies, les prouesses de coupe, demanderait une chronique en soi.
Avant de sortir, quelques modèles anciens, essentiellement de « jour » signés Christian Dior sont encore présentés.
Illustration d’une technique exigeante et d’un savoir-faire vertigineux, ils précèdent la conclusion du maître :
« Une robe telle que je la conçois est une architecture éphémère destinée à exalter les proportions du corps de la femme ».
Cette exposition vous donne toute la mesure de l’évolution de la Maison de Haute Couture ;
Cher Monsieur Dior, il vous aura été épargné d’y assister,
Seul, Unique, c’est Vous « Le Couturier de Rêve ».