Organisée à l’initiative de la Maison Chanel qui vient de subventionner l’extension des surfaces d’exposition du Palais Galliéra,
Cette rétrospective «promotionnelle» est l’une des plus riches jamais organisée en ces lieux.
S’étant vue exclue du vernissage, billet d’entrée dûment payé, réservation faite sur internet, voilà Lulu compressée dans la queue, prise entre des groupes compacts ignorant les distanciations de rigueur.
Bravant la foule, se jouant des agglutinas panurgiens, Lulu s’engouffre dans le «Mythe» Chanel, présenté ici par ordre chronologique.
Si dès ses débuts elle détourna les codes, s’appropriant des matières jusque là exclusivement masculine, jersey et tweeds, jamais elle ne perdit le sens d’une féminité exacerbée comme l’illustrent ses délicates robes de mousseline volantée. Androgyne intemporelle, ses premiers ensembles pantalons ne sont que fluidité, coupés dans des tissus souples, adoucis de blouse ultra-féminines à collerette, à l’opposé des coupes masculines, rigides, sèches.
Des caractéristiques qui se retrouveront tout au long d’une carrière d’une rare longévité.
A cette modernité, elle allie un rare sens de la sobriété dans le raffinement.
Pour s’en convaincre il suffit de voir les découpes savantes soulignant col et jupe d’un «modeste» ensemble d’été en toile de soie ivoire des années vingt, les broderies russes de ses manteaux d’hiver crées par la grande Duchesse Marie, ou le recours aux plumes qu’elle utilisait déjà lors de sa carrière de simple modiste.
Pour le soir, autre tissus de prédilection de Mademoiselle, la dentelle se retrouve dans toutes ses collections dans ses couleurs préférées, blanc, crème, noir. Là encore, sur ses mannequins ou portés par elle, ses modèles conservent un charme tout en délicatesse féminine, j’ajouterai dénué de toute mièvrerie.
Travaillée en incrustations, nervurées, rebrodées, la dentelle révèle un savoir-faire d’une rare virtuosité.
N’oublions pas les paillettes. Chez Mademoiselle elles restent superbement sobres. Utilisées seules ou rebrodées sur un fond de tulle,
De couleur unie, elles ne sont qu’un médium au service d’une sublimation de la ligne.
Le clinquant n’a pas sa place ici.
Après guerre, fait unique dans les annales de la Haute Couture, tel un Phoenix renaissant de ses cendres, Chanel rouvre sa maison de couture en 1953 après quatorze ans d’absence.
C’est le triomphe du Style Chanel, un succès tel, que son tailleur mythique, copié et recopié, vulgarisé à grande échelle par le prêt-à-porter, deviendra substantif: un «Chanel».
Il faut s’engager dans les sous-sol par un étroit escalier pour accéder aux anciennes réserves, à l’origine sans doute offices et cuisines du Palais, pour atteindre le cœur de l’exposition.
Contraste frappant, après les fastes des pièces d’apparat du rez de chaussée, dans des salles aveugles aux murs de briques nues, se déploie, à vous faire tourner la tête, la quintessence du style Chanel.
Alors à son apogée, le style de Mademoiselle caractérise une femme moderne, dynamique, sure d’elle, d’une élégance sobre et maîtrisée, affranchie mais toujours «séduisante».
Rare alchimie d’avant-garde, alliant classicisme et jeunesse.
Confort et simplicité définissent les créations de Chanel.
Critères bousculant les canons d’une mode jusqu’alors dominée par le New-Look de Christian Dior.
Chez Chanel demeure, poussé jusque dans les moindres finitions, un sens aigu du raffinement allié à une sobriété que seuls ses bijoux baroques, chaînes, colliers, sautoirs, viennent transgresser avec une abondance débridée.
La déclinaison d’ensembles tailleurs et blouses manteaux et robes se conjuguent avec un brio toujours renouvelé au fil des saisons:
«Chanel toujours, pas tout à fait différente, pas tout à fait la même» ainsi définie par Vogue.
Jouant sur la qualité de ses tweeds, la diversité de ses ganses et soutaches, la souplesse de ses jersey, la sophistication de ses blouses et doublures de soie, la richesse de ses brocards et de ses manteaux fourrés des peausseries les plus précieuses, sans oublier les accessoires, le sac 2,55 et les escarpins bicolores, cette partie de la rétrospective composent un véritable alphabet du luxe, version épurée chicissime et incontestée jusqu’à l’irruption insolente et provocatrice de la mini-jupe venue d’Outre-Manche.
Révolution condamnée par Mademoiselle.
Détrônée à la fin de sa carrière,
Un nouveau miracle rendit à la Maison tout son prestige:
La nomination de Karl Lagerfeld à sa tête.
Aujourd’hui disparu sa collaboratrice Virginie Viard perpétue le mythe.
Chanel Eternelle?