Pour célébrer Balenciaga il nous y conduit une fois encore.
Bravant panne de métro et pluie torrentielle, il fallait de la détermination pour parvenir, crottée-trempée, jusqu’à ce lieu intime et majestueux à la fois, entre lit de repos de l’artiste, atelier en état d’origine, et agrandissements modernes signés Christian de Portzamparc.
Austère, lyrique, sobre, luxuriant, précieux, tragique, sculptural, lumineux, opaque, ou brillant :
Cette remarquable exposition révèle magistralement les innombrables registres dans lesquels le « Couturier des couturiers » a décliné tout au long de ses collections et sous toutes ses formes, cette couleur non-couleur, symbole à la fois de l’Espagne natale et de l’élégance absolue, dont Balenciaga demeure un maître incontesté.
Organisé en séquences non chronologiques, le parcours illustre chacune des matières, sources d’inspiration.
En contre-point d’un tailleur d’une sobriété monacale, taillé dans un lainage mat, quelque bibi chou ou coiffe de torero à peine revisitée, apportent leur note d’esprit et de fantaisie.
Véritable prouesse architecturale, une robe fourreau composée de cônes pincés, est juste retenue aux épaules par de fines bretelles-bijoux, strass et perles.
Le fameux petit col « ourlé » dégageant le cou et la nuque, les pinces appuyées galbant la féminité de la silhouette, adoucissent ce tailleur dépouillé de tout ornement.
Réminiscence de la tournure fin XIXe , un véritable pouf froncé joue des ombres chinoises sur la basque d’une veste, quelques boutons en bas de manches, une jupe légèrement échancrée sur le devant suffisent au chic de cette robe droite en crêpe de soie, et si le corsage de cette robe habillée semble trop sage, son dos révèle un enroulé portefeuille asymétrique retenu par une bretelle nouée du plus bel effet.
Présenté dans un caisson…noir, la longue robe tube surmontée d'une capuche spectaculaire encadrant le visage de son bouillonné de gazar donnait un avant-gout du grand soir présenté dans les salles modernes du sous-sol.
Au nadir de la virtuosité technique et de la sophistication, une cape courte de faille drapée. Formée de deux larges volants superposés ponctués d’un grand nœud au milieu du dos, grandiose, princière, elle s’enroule autour des épaules.
Pour le théâtre, portée par Alice Cocéa, une robe d’infante épurée : fermée jusqu’au cou, elle illustre toute la sévérité hispanique soudain éclairée par d’éblouissantes volutes blanc nacré de broderies appliquées juste sur le devant.
Romantique, délicate, en transparence, travaillée sous toutes ses formes, la dentelle se prête à d’étourdissantes réalisations. Pour sa grâce exquise, ma préférence va à cet ensemble composé de son long fourreau bustier en mousseline sur lequel se pose une légère cape formant traine, retenue au corsage par un nœud de satin, la dentelle soulignant juste les bords des deux pièces. Parfaite alliance de simplicité et de féminité.
Plus audacieux, un baby-doll bustier voit deux nœuds à l’emplacement de la poitrine et du pubis, à côté, telle une corolle de fleur, courte devant, longue derrière, une jupe étale ses cascades de volants plongeant en biais dans le dos.
Quant au crêpe, sa fluidité devient prétexte aux plus savants des drapés bénitier.
Pour clore le parcours, quelques modèles « Noir et Couleurs » dont une superbe cape entièrement rebrodée de perles recouvertes de fil rose ruisselant, telle la rosée, sur la faille noire, ou ce manteau strict, aussi moderne qu’intemporel, quelques rayures fuchsia barrant le lainage sec.
Célébré à la hauteur de son talent par cette exposition, celui dont Dior disait :
« Le vêtement est sa religion », Balenciaga nous fait revivre l’âge d’or de la haute couture.
Epoque révolue. Le couturier l’avait compris aussitôt après 68, mettant un terme à sa carrière.
Véritable incarnation de l’élégance vestimentaire, j’y joindrai celle d’une autre caractéristique aujourd’hui « démodée » :
La distinction.
Eblouissante démonstration.