A Paris, sa rétrospective au Musée Galliera avait fait l’objet d’une chronique enthousiaste (Lulu de septembre 2013)
L’hiver dernier, après sa disparition en 2017, une première exposition était organisée dans sa galerie. Olivier Saillard y avait déjà collaboré.
Nouvel émerveillement en ce début d’année.
Lorsqu’on a eu lu le livre de Diana Vreeland, « Holywood Costumes »,
On sait qu’Adrian a été un des plus grands créateurs de costumes de l’âge d’or d’Holywood, durant les années trente.
Il a habillé Greta Garbo, Joan Crawford, Catherine Hepburn, Joan Fontain, Paulette Godard avant de quitter la M.G.M. suivant la « Divine » pour fonder sa Maison de Couture. Un précurseur de la mode américaine qu’une crise cardiaque terrassa en 1951 ;
Dans le vaste et paisible espace de la rue de la Verrerie on peut à loisir s’attarder pour étudier, détailler, savourer les modèles exposés.
Place au « Power suit » : les tailleurs des années quarante d’Adrian,
Ce « pionnier de la révolution de la garde-robes des femmes » comme le définit le programme.
Impeccables dans leur alignement ils encadrent de chaque côté les modèles de notre couturier entre lesquels on déambule en serpentant.
Datant pour la plupart des années quarante aux années cinquante,
Les tailleurs d’Adrian ont « influencé » le jeune Alaïa par leur modernité et l’exigence de leur exécution.
Rigueur de la ligne, taille sanglée, épaules carrées, affirmation du couturier :
« L’épaule carré sera toujours présente dans mes collections,
L’épaule carrée est élégante et demeurera toujours car elle est belle et fraiche »,
Les modèles sont coupés dans la gamme retreinte d’une sobre élégance : noir, marine, tons de beige chiné ou à chevron, gris flanelle.
Tout se joue sur le détail : rabats de poches jamais convenus,
Pattes savamment étudiées, posées à la taille, sous le col ou les revers, ondulantes, en biais, ornées de boutons précieux venant éclaircir les coloris sombres ou dessinant comme un motif sur le devant.
De charmantes applications triangulaires en relief animent une veste noire, de souples liens noués à la taille ou sous le col de la veste apportent leur note « lingerie » qui féminisent les ensembles plus habillés.
Pour beaucoup de français l’occasion d’une découverte,
« Une collection de vêtements (….)vise l’élégance et cherche à être en phase avec l’époque. Sa vision du futur est que dans le futur ces vêtements resteront toujours gracieux et en harmonie avec l’air du temps(….)Elle a été créée pour être portée aujourd’hui et demain avec assurance. » écrivait Adrian.
Précisions révélatrices de valeurs partagées,
Confirmées au premier regard sur un tailleur d’Alaïa,
L’imagination et la créativité en plus.
La peau d’un crocodile entier composant le dos de la plus audacieuse des queues de pie suffit à le démontrer.
Ne cherchez pas non plus de couleurs dans cette sélection.
Le noir domine :
« J’aime le noir, pour moi c’est une couleur joyeuse » déclare Alaïa.
Tout se joue dans l’époustouflante virtuosité de la coupe, l’espièglerie des superpositions, les « assemblages » revisités.
Mutines, les basques se travaillent en plis religieux, se referment en gros nœud sur le devant, basculent dans l’asymétrie d’un chic fou, s’allongent croisées ou strictement boutonnées,
Cols et revers jouent sur les tailles, souvent généreux, crantés.
Les spencers de « groom » se portent, déjà, sur des leggings ;
Toujours inattendue dans sa réinterprétation,
La chemise blanche émerge souvent des encolures.
Perfections de technicité, de courtes capes travaillées dans de beaux lainages,
En fronces resserrées, en plissés ultra fins se posent sur les épaules de vestes de tailleur.
S’en dégage une incroyable impression de légèreté que vient souligner la jupe assortie, ample, virevoltante, ultra féminines.
Contrastes magnifiquement réussis, inattendus, voilà les plumes d’autruches ou de coq transformées en jupe de tailleur. Légères comme un souffle, impertinentes, elles viennent adoucir la rigueur d’une veste,
A l’image de cet ultime modèle dont la jupe joliment évasée étale la transparence de sa somptueuse dentelle dans la large échancrure d’une veste à longues basques.
La démonstration est magistrale
Elle confirme, si besoin était, l’absolue maestria d’Alaïa,
Un savoir-faire magistral au service de la création.
Infatigable sur sa table de coupe,
A la recherche permanente de la perfection,
Ce diable d’homme,
Alliant mains d’or et sens inné de l’élégance audacieuse,
A créé des modèles à jamais désirables.
Dans l’univers actuel de la couture,
Alaïa demeure Eternel.