« Figaro Divorce » traite essentiellement de l’exil et des ravages des révolutions.
D’origine austro-hongroise, de langue allemande, écrivain de grand talent, Ödön Von Horvat , considéré comme « auteur dégénéré » et poursuivi par le régime d’Hitler, a connu dès 1936, des années d’errance et de misère, de Vienne à Budapest Prague et Paris où il sera accidentellement tué en 1939, par un jour d’orage sur les Champs-Elysées.
Les thèmes abordés dans cette œuvre, il les connait pour les avoir vécus et en avoir éprouvé toutes les souffrances.
« Figaro divorce » commence quelques temps après le « Mariage de Figaro » de Beaumarchais. Je me suis autorisé néanmoins à situer l’action à notre époque(1936) car les problèmes de l’émigration sont, primo : intemporels er secundo particulièrement actuels à notre époque » déclare l’écrivain, et plus loin il ajoute : « l’humanité…n’est qu’une faible lumière dans les ténèbres ».
Des propos dont la résonnance aujourd’hui n’est que plus tristement actuelle.
A la tête du Théâtre du Nord, Lille, on ne peut que féliciter Christophe Rauck d’avoir décidé de monter ce spectacle invité du Montfort.
De son travail précédent, à la tête du T.G.P. de Saint-Denis je garde deux souvenirs contrastés :
Des « Serments Indiscrets » de Marivaux torrides et bouleversants, Lulu d’Or unanimement salués,
Un « Phèdre » qui comportait quelques belles trouvailles mais à l’héroïne insupportable, proche de l’épilepsie.
Définitivement brouillonne, cette mise en scène accumule les effets sans fil directeur.
Se succèdent des vidéo : visages filmés au plus près, projection de film de télésièges pour le passage la montagne ou de groupe d’enfants turbulents lors du retour au château devenu orphelinat ; des moments de pseudo poésie avec ce cerf en bois géant symbolisant la fuite dans la foret, ou de réalisme absolu dans le salon de coiffure avec son mobilier professionnel où rien ne manque, rouleaux compris, quand le lyrisme ne se déploie pas avec la fuite de nuages dans le ciel, ou encore le dépouillement à d’autres moments, avec quelques vilains meubles pour tout décor.
Accumulation qui doit se vouloir démonstration d’imaginaire, illustration d’un foisonnement d’idées, volonté de rupture de rythme en fonction des situations.
Elle ne parvient qu’amoindrir un texte que les comédiens ne sauvent pas.
Certes, John Arnold, possède toutes les rondeurs en harmonie avec sa roublardise et son sens pratique, fruit d’une difficile existence dont il est fatigué.
Mais comment croire à cette Suzanne, Cécile Garcia Fogel, voix rauque, comme expirante, absente à elle-même, en femme libre qui aura l’audace de demander le divorce face à son « barbier » de mari plus occupé de réussite que de paternité.
Ce sont bien deux mondes qui s’affrontent
« Tu es inhumain » lui reproche Suzanne
« Je ne suis pas inhumain, j’ai le sens des responsabilités » répond Figaro
« Tu es la mort » conclue Suzanne.
Le reste de la distribution réunit de vaillants interprètes de plusieurs rôles : ils tombent soit dans l’outrance soit paraissent bien falots. Le Comte Almaviva de Jean-Caude Durand est seulement juste dans ses illusions puis dans sa lassitude.
La critique d’un grand quotidien a exprimé son enthousiasme pour ce spectacle.
Elle a semé le trouble dans mon esprit.
Je m’interroge.
Mais suis au regret de n’être toujours pas convaincue.