au lever de rideau, dans les fumerolles, au-dessus de trois cercles de quatre danseurs, trois nasses géantes contiennent chacune un corps. Telles les chrysalides émergeant de leur cocon, ces corps s’en échapperont doucement pour gésir au sol avant d’être emportés avec gravité par chacun des groupes.
Une deuxième séquence éblouissante réunit tous les danseurs dans une chorégraphie aussi esthétique qu‘épurée, virtuose et enlevée, admirable déclinaison du sens de la ligne, du rythme et du style «preljocaj». Au sol ou en ligne, jeux de bras, de mains, sauts, ployés, ralentis, petites ruades, les figures s’enchaînent parfaites, étourdissantes. En projection géante, deux mains laissent échapper entre leurs doigts, du sable fin, en fond musical le requiem de Mozart. «Tempus fugit.»
Le tableau d’après, les couples s’aiment dans de superbes figures harmonieuses et inventives brutalement interrompus par une musique tonitruante pour une course éperdue, folle, sous un violent éclairage intermittent.
Impressionnant.
L’intérêt faiblit heureusement réveillé par l’irruption de huit filles en baby -doll blanc dansant en duos enlevés. Elles apportent une note de fraîcheur bienvenue.
Court répit.
L’effondrement de l’une d’elles donnera lieu à l’évocation très, trop réaliste de la violence de la guerre: hurlements métal rock, projection d’immeubles en ruines plateau de inondé de rouge, déchaînement sur les femmes d’ hommes couleur cendre visage indistinct coiffés de chapeaux mous.
De la suite du spectacles se dégage inexorablement une impression de «reprises» pour ne pas dire répétitions des figures d’ensembles déjà vues.
Spectres tout en blanc, danses de puissances macabres en robe de bal coiffées de couronnes dominant de leur estrade des moribonds convulsifs, jeux de rideaux tirés par de belles créatures en robe longue incarnat, commentaires indistincts sur la mort en voix off, et tableau final avec pantins de chiffon immaculés accrochés à des échafaudages composent les tableaux qui suivent.
Depuis «Le Parc» sans doute un des plus beaux ballets contemporains, «Blanche Neige», «La Fresque», «Gravité» «Les Nuits», Angelin Preljocaj a toujours manifesté toute la singularité inventive et poétique de son talent. Lulu s’en est toujours fait l’écho.
En 2019, pour quelques représentations seulement à Paris dans «Wintereisse» (Lulu d’octobre 2019) il traitait déjà de la mort manifestant un sens bouleversant de beauté et d’élégance tragiques.
C’est à regrets et avec douleur que nous venons d’assister cette fois au «Requiem(s)» d’un talent.
Tristesse et déception.