Pour conjurer la morosité ambiante,
Lulu a jeté son dévolu sur : « Ô mon bel inconnu ».
Un bonheur absolu.
Déployant des trésors d’imagination au service de la comédie,
alliant satire du sentiment amoureux à la satire du milieu bourgeois,
voilà les personnages de Sacha Guitry portés, bercés ou emportés par les mélodies de Reynaldo Hahn, compositeur non moins séduisant que notre écrivain.
Tandem idéal parfaitement « servi ».
Cette représentation lui donne tout son sel.
Chez les Aubertin les récriminations débutent dès le petit déjeuner.
Pour Madame, le thé est « encore trop fort ».
Marie- Anne, jeune fille de la maison, ne trouve pas son pain assez grillé,
La bonne, Félicie, sert d’exutoire,
Prosper le père, riche chapelier, en est le témoin exaspéré.
Des humeurs révélatrices d’une profonde lassitude du quotidien bourgeois.
A la chapellerie, les clients ne manquent pas d’originalité :
Madame doit faire face à un séducteur indélicat, « pinceur de derrière » et maniaque de chapeau melon.
Plus subtil, l’amoureux de Mademoiselle se déclare de façon déguisée grâce aux initiales à inscrire dans son chapeau.
Quant à l’ami de la famille, muet de naissance, il est le confident idéal pour recevoir doléances et confessions
Fatalement, chacun s’abandonnera à de folles rêveries sentimentales, échappatoires conduisant les protagonistes dans une série de situations en cascades, de savoureux quiproquos et de bien jolis dénouements.
Ainsi, Monsieur en faisant paraître une petite annonce : « à la recherche d’une âme sœur » découvrira, au milieu de toutes les réponses, les aspirations secrètes de son épouse et de sa fille, aussi celles de la bonne soudain devenue comtesse.
Virtuose dans l’analyse des situations d’adultère, également fin connaisseur de l’âme féminine et sans complaisance pour les travers masculins, Sacha Guitry, pétillant d’esprit, allie élégance et sens du comique, causticité et empathie.
Emelyne Bayart, fait preuve cette fois de sa parfaite intelligence de la pièce dans le total respect des dialogues et de l’époque : ravissants costumes des années trente, décors à transformations riches de trouvailles et notes colorées d'Anne-Sophie Grac, soulignées par les lumières de Joël Fabing permettent à la troupe des Frivolités parisiennes de se déployer avec bonheur sur le plateau.
Honneur à Emelyne Bayart, piquante Félicie, « bonne » tout en abattage et gouaille.
Non sans élégance, Clémence Tilquin incarne Antoinette, l’ épouse délaissée sauvée de l’adultère par le propriétaire impécunieux d'une villa louée par Prosper pour piéger femme et fille.
Marc Labonette, Prosper le Chapelier, n'est pas sans rappeler feu Jean Le Poulain.
Sheva Tethoval, Marie-Anne la jeune amoureuse , échappera à l’inconduite pour convoler avec son fiancé, Victor Sicard, en charmant jeune homme.
Jean-François Novelli, interprète du client indélicat et du propriétaire impécunieux donne du relief à ses deux personnages comiques, et Hilarion le muet, permettra à Fabien Hyon de donner pleinement de la voix une fois son infirmité guérie par le chant.
Pareilles harmonies ne règnent que bien rarement sur une soirée.
Souvent encline à la sévérité,
Pour ces « retrouvailles » Lulu laissera pleinement s’afficher sa joie, et son bonheur.
Merci au Plazzo Bru Zane pour son travail de recherche et de sauvegarde de ce répertoire,
A l'Athénée pour sa programmation hélas trop courte.
Une opérette sans une fausse note.
Un « enchantement »
Une nouvelle programmation s’imposerait.