Totalement démentie, la séduction a très vite opéré.
Sur scène, un unique décor minimaliste, Jan Versweyveld, puissamment éclairé de lumières blanches (Jan Versweyveld). A cour et à jardin des hauts cadres rectangulaires verticaux, transparents, encadrés de blanc tenus par des filins depuis les cintres; en fond de scène grand panneau blanc avec croisillons géométriques. Aucun accessoire.
Loin de toute démesure, et avec un rare discernement la chorégraphe parvient à maintenir tout au long de l’opéra, le périlleux équilibre entre les protagonistes et leur double, les danseurs. S’ils sont à leurs cotés, ils «s’effacent» en fond de plateau aux moments intenses ( les doutes de Fiordiligi).
Il en va de même pour les chanteurs, exécutant de sobres mouvements à la fois illustratifs et faciles d’exécution: en arc de cercle, d’avant en arrière, les bras dirigés mains tendues vers le haut ou le bas,telle une houle ils expriment le va-et vient des sentiments.
Tout ici n’est que célébration de l’œuvre, de la musique, du livret de Da Ponte.
La première partie tout en légèreté, parfaite illustration de l’esprit XVIIIe, les idées des lumières, la soif de liberté sont évoquées dès les premières paroles de Despina, soubrette rouée à souhait, esprit émancipateur, ici la géniale Hera Hyesang Park. Elle allie à sa voix renversante, une rare présence théâtrale et un talent comique avéré en docteur miracle et notaire d’occasion.
Belle, dans une longue robe de satin blanc, Vannina Santoni est une Fiordiligi d’une profonde sincérité, torturée par ses attirances amoureuses à la différence de Dorabelle,Angela Brower, révélant avec gourmandise le plaisir de son infidélité .
Gordon Brintner, Guglielmo, et Josh Lovell qui fait ses débuts à Paris en Ferrando nous divertissent grandement déguisés en Albanais dans leur scène de séduction perfide.
Si Guilielmo parvient à ses fins auprès de Dorabella, Ferrando ne connaîtra pas le même succès auprès de Fiordiligi, tous deux bientôt pris à leur propre piège pour la plus grande joie de Don Alfonso vainqueur:«Cosi fan tutte».
La direction de Pablo Heras Casado pour l’orchestre nous «enchante» de la musique de Mozart dont se perçoit chaque nuance comme s’entend chacune des idées et des analyses contenues dans le livret.
Fi des délires et autres réinterprétations douteuses de certains metteurs en scène à la recherche du sensationnel,
Ici tout vit, palpite, respire, souffre, s’abuse,
Honneur à l’harmonie,
Ainsi représenté par Anne Teresa de Kersmaeker, l’essence même de l’opéra transporte.