Lulu abasourdie.
Un public de tout âge et toute origine se presse, déambule s’esbaudit au fil des salles. Chacune aborde un thème différent.
Un dénominateur commun les caractérise : la célébration de l’Italie, ses richesses, ses savoir-faire.
En avant-propos, cette définition :
« Le sublime n’a pas besoin de mots, il s’impose ».
« …La mode de Domenico Dolce et Stefano Gabbana offre des émotions uniques ».
Nous voilà avertis.

Edifiant, le premier modèle, exceptionnelle ode à Paris, voit se dresser sur le devant d’une robe, dûment brodé et signé, une géante Tour Eiffel or .
Idéale pour touriste en mal de souvenir.
Le ton est donné.
La suite se révélera autrement surprenante.
Sans limites, sans merci,
Prétention et vulgarité s’y étaleront, luxuriantes et outrancières.
Exemple sans appel, cette première salle consacrée aux grands peintres italiens de la Renaissance.

Au plafond une vidéo, référence à la galerie du Palais Farnèse et aux fresques du Carrache. Aux murs, d’effroyables croûtes,
« Portrait de musicien » de Léonard de Vinci pour ce sweat-shirt ras-du-cou dans son cadre en fil doré, cannetille , sequins, et perles, porté sur pantalon en velours brodé de cannetille.
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Douloureux.
Yves Saint Laurent, en son temps, avait su donner une vision autrement inspirée de son admiration pour les plus grands artistes.
J’oubliais : au milieu des « peintures » (après la tour Eiffel), voilà qu’ un palais florentin avec son campanile s ‘affiche au dos d’une jupe longue.
Des colonnes de plâtres dressées se veulent le temple d’Agrigente…
Une « production » intitulée : « Rêves de divinité ».
Un vaillant guerrier, porte tunique en toile de jute brodée de cuir,
Et cette éphèbe aux pantalons « dévorés » et « brassières » de cristaux savamment ajustées au buste
A l’étape suivante, reproduite par les ateliers Orsoni Venezia, tout l’or de la basilique Saint Marc nous fait cligner des yeux. |
Pour preuve, cette figure christique et cette chaire à côté desquelles se dresse un mannequin portant tee-shirt brodé d’un christ en sequins et cristaux.
Debout à ses côtés, cet autre en costume brodé d’un complexe patchwork du sol « cosmatesque » de ladite basilique
Que dire d’une vierge à l’enfant sur le devant d’une tunique portée sur pantalon.
La foi au service de la mode ?
Une présentation à faire pâlir les évêques.
Changement complet d’ambiance au chapitre suivant.
Place au folklore sicilien.
Couleurs criardes et bariolées recouvrent sans exception sol, murs, charrette, robes, jusqu’aux cafetières, italiennes et réfrigérateurs, sacs et chaussures.
Tel le carnaval, le passage divertit, conforme à ses outrances.

Sans transition, fait irruption la pureté du blanc « baroque ».
Force carton pâte, chérubins potelés, volutes, pilastres et cariatides célèbrent l’admiration portée par notre duo pour le travail de Giacomo Serpota, artiste en vogue au XVIIe et XVIIIe siècle pour ses stucs décoratifs
Ici « Les couturiers, capturent avec talent (sic) la tension dramatique » entre « simplicité du blanc et opulence des compositions … aux poses complexes ».
Rien de moins.
Et de préciser :
« Modelés avec du crin et de la ouate pour donner du volume, les modèles sont recouverts de satin duchesse et de mikado afin de leur donner la brillance des stucs de Saporta ».
Je vous laisse juge du résultat.
Espace restreint cette fois pour ce décor noir et or, antre de la dévotion privée.

Agenouillée face à un cœur étincelant, le mannequin en prière nous permet d’admirer sans réserve, le fabuleux travail de broderie au fil d’or sur ce long voile de dentelle noire qui déploie sa traîne face au public.

Noires encore, les veuves siciliennes, chapelet ou cierge à la main, nous accompagnent en file indienne dans un couloir

Elles nous conduisent à la reconstitution d’un atelier de haute couture.
Instructif pour les néophytes.
Rien d’étonnant à l’hommage rendu au « Guépard », film culte pour Dolce et Gabbana,
La galerie des miroirs, décor du bal dans le film de Visconti, se retrouve cette fois avec des miroirs sans tain ou apparaissent des scènes du film.

Comparée à la robe portée par Claudia Cardinale, bien décevante celle créée par le tandem. Motif convenu, sur la jupe à crinoline s’affrontent de pâles léopards peints à la main

Plus réussies les trois robes de duègnes assistant au bal.
Bien dans l’esprit des créateurs encore une cape de velours de coton écarlate frangée d’or sur robe corset en velours avec fil d’or.
Pour magnifier Milan, centre de la création des collections Alta Moda, Alta Sartoria, et la Madonina protectrice au sommet de la cathédrale de la ville, cette robe à panier et corset de dentelle macramé sous son voile de tulle rehaussé d’empiècements en dentelle paraît d’une légèreté inédite
Utile rappel au style des couturiers, la paire de « cothurnes » posées devant
Incontournable, indissociable de leur pays, l’Opéra italien se voit gratifier d’une collection pléthorique.
Elle se veut « traversée fantasmagorique ».
Dans l’ordre d’« apparition » sur scène, quelques exemples pour Verdi.
Robe en tulle Lurex avec corset broderies de sequins, cristaux en tulle Lurex
Un garde porte armure de cuir peint et clouté, sabre au pieds Petits pages d’opérette, accrochés le long d’un mur, coiffés de généreuses plumes d’autruche, quelques mannequins en culottes courtes bouffantes et caracos abondamment brodés, achèvent la démonstration. Visconti, aurait-il aimé ? On est en droit de s’interroger. |

Annoncée comme « Une des sources d’inspiration importante » voilà les verreries de Murano qui participent au « jeu de reflets » entre vêtements, miroirs et lustres.
Sous une véritable forêt de suspensions monumentales et devant de gigantesques glaces cernées de cadre lourdement ouvragés, le spectacle sidère.
Directement empruntés aux bras de lumière, les fleurs en verre hérissent les robes et coiffures, perles et franges dégoulinent sur d’autres
Scintillements d’ arbre de Noël illuminé.
Le parcours nous contraint à revenir sur nos pas.
Passons de l'autre côté des premières salles.
Un « simple » tailleur et sa capeline, en raphia or, bien sur, retient notre attention.
Condensé de mauvais goût,
Ostentation, blingbling, surcharge, et kitsch se déclinent sans retenue,
Répétitifs, systématiques, limités, techniques et matériaux se multiplient à
l’identique.
Elégance : mot banni, exclu, oublié, voire inconnu,
La vulgarité le dispute à la prétention déclarée : celle d’une
« Beauté capable de transfigurer le monde ».
Pour tout le travail virtuose accompli par les ateliers,
un véritable dévoiement de la « Couture.
Au regard de tant de talents italiens que l'on admire, la performance atteint au comique.