L’auteur s’y dévoile dans ses insolubles contradictions, sa grande vulnérabilité et sa culpabilité torturante.
Insoupçonnables sentiments.
Dans un décor nu, avec juste un fauteuil de jardin sur le plateau, le héros entame son récit.
Au bord de la folie après des mois de réclusion volontaire dans sa maison perdue en forêt, notre misanthrope se sent soudain poussé par l’impérieux besoin de s’épancher. Il se rend dans l’agence immobilière de son unique ami Morritz afin de laisser éclater un désespoir déversé tel un flot déchaîné: «stock de déchets affectifs et mentaux».
Sa compagne, «La Persane» elle, reste silencieuse, se serrant frileusement dans son manteau de fourrure autour d’elle.
Aussitôt notre atrabilaire lui propose une promenade en forêt, aussitôt acceptée.
Ainsi débutent des échanges avec toujours pour cadre les sous-bois .
«Avec aucun être je n’ai pu parler avec autant d’intensité et de possibilités de tous les sujets» constate ému Thomas Bernhard.
Complétant «Elle était effectivement venue pour me sauver».
Elle aussi parvient un jour à lui «vider son cœur».
En effet, «La Persane» se révèle une femme extrêmement cultivée, ayant sacrifié ses études pour se consacrer entièrement à la réussite de ce «constructeur de centrales» ambitieux et ingrat.
«C’est pour me tuer, c’est pour ma tombe» lui avoue-t-elle pour expliquer ce choix incompréhensible.
Mais, après s’être imaginé «avoir trouvé la personne idéale pour l’esprit et pour le cœur», assez rapidement: «Les sujets de conversation se sont épuisés», «Nos relations se détériorent» laissant place à «l’animosité réciproque».
Les promenades s’espaceront inéluctablement.
«Sa présence m’est devenue une gène» constate l’auteur.
Abandonnée par son mari, étrangère, objet de jalousies et des préjugés locaux, La Persane se retrouvera seule à l’hôtel, puis se cloîtrera dans la maison «Pas achevée et déjà en ruines».
Thomas Bernhard lui rendra une ultime visite.
«Vous êtes comme moi, un être perdu» lui dit-elle, avant de le congédier.
Sans plus de nouvelles, un bref article de presse lui apprendra plus tard son suicide.
«Ce que je n’ai pas été capable de lui dire elle me l’a dit».« Elle m’avait vidé son cœur, elle méritait beaucoup plus que moi la compassion».
Hanté par la culpabilité, affichant, lucide et sans complaisance, son incapacité à entretenir durablement toute relation amoureuse, Thomas Bernhard se livre sans fard.
Il surprend, touche émeut avec pour interprète le merveilleux Claude Duparfait, touchant, empêtré et maladroit, gauche et pitoyable.
Les projections des promenades dans la forêt, toujours chastes et pudiques, avec «La Persane» et lui, filmés tous deux, subliment parfaitement ces souvenirs si prégnants et douloureux.
On regrette seulement que la voix de la belle Mina Karavi, image de La Persane, ne soit pas Plus audible.
Récit terrible d’une âme mise à nu.
Rare chez Thomas Bernhard, l’émotion vous étreint.
Assurément une belle découverte signée Claude Duparfait et Célie Pauthe.