La version portée à l’écran par Stephen Frears (1988) en demeure un modèle.
Loin de démériter, le version d’Arnaud Denis nous en donne une nouvelle illustration.
Fervente lectrice de Choderlos de Laclos, Lulu se devait la découvrir avec retard.
Dès le lever de rideau, la séduction opère,
L’esprit du temps irradie la scène.
Précise, incisive, limpide, la langue s’écoute, étincelante.
Véritable plan de bataille d’un stratège, l’intrigue se déroule, implacable.
Le libertinage s’expose,
Le cynisme tétanise.
Affranchie de tout carcan moral, la liberté de mœurs se pratique en totale désinvolture.
Froids calculateurs, mus par leur immense vanité, la Marquise et le Vicomte s’interdisent tout sentiment amoureux, perte de leurs proies.
Nos libertins fascinent,
La grisante mécanique de leurs jeux assassins nous hypnotisent,
Triomphant de leurs victimes désignées,
Leurs redoutables machinations finiront de les emporter.
Valentin de Charbonières, Vicomte de Valmont, parfait insolent, carnassier, corrupteur,
Delphine Depardieu, Marquise de Merteuil folle d’orgueil, exigeante, dominatrice,
Marjorie Dubus, Cécile de Volanges, innocente proie juste sortie du couvent,
Salomé Villiers, qu’on souhaiterait plus séduisante, demeure une Madame de Tourvel bouleversante de sincérité trahie,
Pierre Devaux campe un Chevalier de Danceny doublement bafoué, et Michèle André, Rosemonde, incarne cette charmante vieille châtelaine charmante aussi pieuse qu’ indulgente.
Tous forment l’excellente distribution de ce spectacle.
De jolies toiles peintes et quelques meubles symboliques (coiffeuse, bergère, fauteuil) composent les décors de Jean-Michel Adam. Ils situent l’action dans son époque : l’ appartement de la Marquise ou le château de Madame Rosemonde.
Les lumières de Denis Koransky soulignent la subtile palette de couleurs et les somptueux et élégants costumes de David Belugou.
Hormis quelques audaces de vocabulaire inutiles dans la scène de séduction de Cécile Volanges,
Arnaud Denis signe une adaptation parfaitement fidèle à l’œuvre de Choderlos de Laclos.
Remarquable comédien (le Misanthrope en 2013, le Portrait de Dorian Gray en 2016),
Sa mise en scène témoigne d’un talent égal.
Une soirée de grande tenue.
Un succès auquel Lulu souscrit avec plaisir.
Après Candide au théâtre de Poche,
Il conforte son « amour » du XVIIIe.