Marivaux, un auteur tout en subtilité, grâce, élégance,
Marivaux, fin analyste des secrets des cœurs,
Marivaux, inlassable instigateur des triomphes de l’amour,
Marivaux, habile dénonciateur des inégalités de condition,
Oubliez tout ceci.
Pour ces « Fausses confidences » la mise en scène d’ Alain Françon nous inflige un Marivaux en gros sabots, vulgaire, boulevardier, surjoué par des personnages caricaturaux.
Le décor massif et pompeux de Jacques Gabel,
les très vilains costumes d’époques différentes de Pétronille Salomé participent d’un assemblage visuel aussi disparate que de mauvais goût.
Et que dire des interprètes .
En valet qui magistralement mène l’intrigue, Gilles Privat, ceint de son tablier de ménage, adopte le ton d’un valet de Feydeau.
Sa diction permet toutefois d’entendre la phrase clé de l’intrigue :
« Quand l’amour parle il est le maître ».
Car il s’agit bien de cela. L’intrigue repose sur l’amour impossible entre une aristocrate et son intendant.
Sans fortune, le malheureux Dorante, se consume pour Araminte à laquelle il ne peut prétendre
« Votre bonne mine est un Pérou » le rassure Dubois.
« Vous réussirez, je le veux » conclut le rusé serviteur.
Cheveux peroxydés en bataille, Pierre-François Garel, l’honnête serviteur, joue ce fervent et pudique amoureux en benêt timoré, perdu dans une veste et pantalon informes. Assis à son bureau, il va jusqu’à se dissimuler derrière son mouchoir grand ouvert. Appréciez la timidité.
Cette présence va curieusement troubler Araminte, indifférente au Comte Dorimont, Alexandre Ruby, (cheveux roux écureuil, gilet bariolé) riche parti proposé par sa mère, madame Argante, grotesque Dominique Valadié en faux costume d’amazone, décoration épinglée au revers de sa veste, aux effets anéantissant tout comique.
Georgia Scalliet, Araminte sans élégance aucune, se laisse aller à des attitudes dépourvues de la « contenance » qui sied à son rang. Une gestuelle tristement « modernisée » la conduit à de ridicules excès peu crédibles.
En accéléré permanent, elle lamine son texte débité à la vitesse d’une mitraillette.
Bouillie pour chat.
Déjà révoltée par la précédente mise en scène d’Alain Françon de «La seconde surprise de l’amour » du même auteur ( chronique de 2021) , seul l’oubli de ce précédent est cause de cette épreuve, renouvelée : ce « Blasphème contre Marivaux qui vient d’être commis ».
Difficile ainsi de partager les affres de cet amour inavoué,
d’une lutte qui mettra les protagonistes à dure épreuve,
et sera cause d’autres désillusions : une cruelle déception de la soubrette Marton s’étant imaginé promise de Dorante,
Le comte plusieurs fois éconduit en dépit de sa fortune.
La découverte de l’amour secret que porte Dorante à sa maîtresse provoquera le scandale.
Au moment des adieux, le chagrin de l’intendant finira d’ébranler le cœur d’Araminte,
Cédant enfin à ses sentiments, laissant libre cours à sa tendresse, elle s’abandonnera sans retenue dans les bras de son « serviteur » Dorante
Didier Bezace avait monté cette pièce au Théâtre de la Commune d’Aubervilliers
avec Pierre Arditi en Dubois, sobre et roué à souhait, Anouk Grinberg en Araminte.
Infiniment délicate.
Tout y était suggéré, nuancé, raffiné.
Un condensé d’un incomparable éclat, finesse, élégance de cette société à la veille de sa disparition.
Grand souvenir théâtral.
Alain Françon nous laisse celui d’une affligeante version, la lourdeur le disputant à la...sottise, la facilité à la subtilité, l’ordinaire à l’élégance ( notion « démodée », je le concède).
Accablant.
Fureur et tristesse.
P.S. Ce spectacle créé aux Théâtre des Amandiers de Nanterre vient d’être nommé aux Molières .
Encensé par une critique unanime, Lulu assume, persiste et signe son désaccord.