Inconditionnelle du travail de Christian Hecq et Valérie Lesort toujours chroniqué avec enthousiasme depuis « Vingt mille lieus sous les mers » (2015) jusqu’au « Voyage de Gulliver » vu deux fois, ( 2022 et 2023) en passant par « La Mouche ( 2019),
La mise en scène des « Contes de Perrault de Valérie Lesort a dépassé nos attentes.
Elle enchante littéralement, au sens propre et figuré.
Cette « féerie musicale» date de 1913.
L’oeuvre de Fourdrain, pour la musique, Arthur Bernède et Paul Choudens pour le livret, connut un grand succès à sa création avant de tomber dans l’oubli.
L’ adaptation fantaisiste de Perrault, sans aucune logique apparente, fait se télescoper avec un esprit pétillant différents contes dans un mélange spirituel alliant poésie, fantastique, horreur et merveilleux.
Lever de rideau avec un Petit Poucet, tel un nain malin, devant sa famille au complet, tous aux couleurs de plantes vertes, articulées comme de géantes marionnettes.
Le charme opère dès la projection du titre.
Le graphisme des lettres, le parti pris d’une scénographie semblable au diorama de notre enfance : des cartons découpés pour donner l’ illusion du décor, créent aussitôt un univers d’onirique naïveté signé de la très talentueuse Vanessa Sannino. Elle l’éclaire des couleurs éclatantes de ses costumes stylisés, aussi inspirés de nos découpages d’antan.
Chez Cendrillon, les préparatifs au bal de la marâtre et ses méchantes filles composent un nouveau moment des plus cocasses
Affublées de robes rigides, le trio cerise, fraise, vanille s’agite nerveusement tandis que craque le lacet du corset de l’acariâtre belle-mère. Occasion pour Lara Neumann, idéale dans la parodie, de chanter et
proclamer avec force l’exercice de sa tyrannie sur son benêt d’époux et sa belle-fille honnie.
Quand après s’élèvent les plaintes de Cendrillon par la voix délicieuse d’Anaïs Merlin, assise seule sous un croissant de lune blanche suspendue des cintres, sa tristesse serre les cœurs, vite dissipée par l’apparition de la fée Morgane.
Toute d’azur vêtue, munie de sa baguette magique, elle permet à Cendrillon de se rendre au bal.
Coup de foudre assuré.
Mais enchantement fatal.
Aux douze coups de minuit l’affreux Olibrius, Romain Dayez, grand escogriffe impressionnant dans son effrayant costume couvert de serpents corail, arrache notre Cendrillon à son Prince.
Il l’emporte dans le sinistre château du terrible Barbe Bleue et de son acolyte Croquemitaine.
Frissons garantis quand reviennent pour danser devant l’âtre de fantomatiques ombres noires, les épouses mortes ;
Moment d’un comique consommé lorsque les deux monstres comparent leurs appétits respectifs et entonnent un couplet à la gloire du « bibi, du caca, du bicarbonate de soude ».
Nouveau coup de théâtre, nouvelle intervention salvatrice de la Fée Morgane. Elle transformera Cendrillon en Peau d’Ane,
En rôti à la broche Barbe Bleue et Croquemitaine.
Repoussante, puante, Peau d’Ane se retrouve avec le Chat Botté… Situation incongrue.
Dans un décor tout blanc, le moulin surmonté d’ailes en moulinettes pour bébé, elle retrouve enfin son Prince Charmant venu chasser sur les terre du Marquis de Carabas.
Nouveau rebondissement.
Assoiffé de vengeance, Olibrius fait son entrée.
Il condamne l’heureuse assemblée à « cent ans de sommeil ».
C ‘était sans compter avec « Le Petit Chaperon Rouge »
Hasard ô combien heureux.
La route de cette étrange petite créature vêtue de pourpre cardinalice, coiffée d’une mini mitre, croise par un heureux hasard le chemin du Prince et de le fée Morgane réveillés de leur long sommeil.
Félicité ! Elle mène près du château où Cendrillon attend sur un lit, l’âtre rougeoyante du château de Barbe-Bleue devenu lit d’apparat immaculé…
Au final, chanteurs, chœur et musiciens laissent exploser leur joie.
En parfaites harmonies avec les interprètes, l’ensemble des Frivolités Parisiennes, dirigé par Dylan Corlay a su souligner toute la diversité de cette musique « légère » mais non dénuée de charme et de qualité dans ses différentes nuances.
Les chanteurs, toutes tessitures confondues, allient de véritables talents de comédiens aux qualités lyriques.
Valérie Lesort est une magicienne.
Elle nous a fait retrouver, le temps d’une soirée, l’émerveillement d’une âme d’enfant.
Un bonheur.
En ces jours sombres, une parenthèse enchantée.