Des ses nombreux souvenirs du Roi Lear » celui avec Jacques Weber, mis en scène par
Lavaudant,(Lulu de novembre 2011) domine sans partage l’ensemble des versions de ces
dernières années.
Pour « Le Misanthrope », vite oubliée la représentation, avec Loïc Corbery à la Salle
Richelieu en Alceste, l’interprétation d’Arnaud Denis, (Lulu de septembre 2013) demeure
la plus sensible ( Lulu de septembre 2013).
Comme reléguée, perchée dans les hauteurs du balcon,
Trop éloignée des acteurs,
Surplombant le plateau,
Lulu a assisté à une soirée tronquée, essentiellement visuelle.
Une réussite à ce point de vue.
Mais une frustration particulièrement éprouvante pour tout spectateur assidu, amateur de
grand texte.
des flocons de neige :
Cadre teinté de grande mélancolie.
Pivotant, ce panneau supporte une longue tringle . S’y aligne la collection des riches
toilettes de Célimène.
Arrière-plan joliment évocateur du monde des apparences.
Le décor de Jean-Pierre Vergier est une réussite dans sa sobriété parfaitement illustrative.
Sans doute victimes d’une baisse d’acuité auditive,
A la différence de la voix d’Eric Elmosnino, gloire lui soit rendue, « seule » à parvenir au
balcon,
nous voilà privés, malgré toute l’attention déployée, d’une grande partie du texte,
réduits à happer, au passage, quelques répliques ou bribes d’alexandrins.
Regrettable pour n’en pas dire plus.
Inattendu titulaire du rôle principal, Eric Elmosnino campe un Alceste sans jamais varier
de registre.
Rageur, furieux, ne décolérant pas, il bouillonne, s’emporte, rugit.
Incapable de faire affleurer sa fragilité d’homme blessé par les mœurs de son temps, la
cour, le jeu des intrigues, l’hypocrisie dominante, il n’émeut jamais.
Intraitable en tout, refusant tout accommodement, il le sera encore auprès de
Célimène dont il s’est vainement épris, arguant :
« La raison n’est pas ce qui gouverne le cœur ».
La direction d’acteur en peut-être la cause ?
Toujours juste, François Marthouret est un Philinte posé, calme, comme il se doit.
Mélodie Richard, que l’on voit gesticuler sans la grâce d’une vraie coquette, manque de
cette finesse nécessaire aux jeux subtils de la futilité accomplie.
Quasiment inaudibles , on « devine » la sincérité de la discrète cousine Eliante d’Anysia
Mabe, et les feux d’Arsinoé, Astrid Bas.
Navrants dans ces rôles en or que sont les Petits Marquis, malgré leurs smokings revisités,
Luc-Antoine Diquerol, Clitandre, et Mathurin Voltz, Acaste, ne provoquent nullement les
rires attendus.
Pis, l’affligeant Oronte d’Aurélien Recoing nous prive de tout le « grotesque » du faux-
poète, fat, infatué, nadir du ridicule. Un comble pour qui a vu Robert Hirsch
déclamer : « Un soonnnnet », grand moment s’il en fut.
Si la scénographie, les déplacements des comédiens composent d’élégants ensembles dans
les noirs et blancs, la richesse de cette pièce admirable, ses nombreuses facettes, n’en
demeurent pas moins émoussées, voire absentes.
Seule consolation, pour Lulu,
La relecture aussitôt rentrée.
La confirmation d’un chef d’œuvre.