Au fil des ans, la pièce de Jean-Luc Lagarce est devenue le symbole des terribles « années sida ».
Un symbole toujours refusé par l’auteur.
Un succès jamais démenti depuis trente ans.
Maladie mortelle à l’époque, l’auteur en a été victime. Il décédera à 38 ans.
Lucide sur sa fin prochaine, « Juste la fin du monde » en évoque les affres, les souffrances, les moments de résignation comme les révoltes contre la mort.
Les premières phrases prononcées par Vincent Dedienne, Louis, seul face au public, vous saisissent à la gorge.
Posément, calmement, il annonce sa décision : retourner dans sa famille pour lui annoncer sa mort prochaine.
De ce bref moment, une rare force dramatique nous submerge.
Aussitôt on se prend à rêver d’un très grand moment théâtral.
Illusion aussitôt détrompée à la scène suivante : l’arrivée de Louis au milieu des siens.
Ce retour, si mûrement réfléchi, ne se passera pas comme prévu.
Ce sera au malade en fin de vie d’affronter l’incompréhension familiale, sa mère exceptée. La seule à avoir compris le talent d’écrivain de son aîné, son besoin impérieux de partir.
Particulièrement bancale, la distribution réduit en charpie le texte.
On admire Vincent Dedienne d’évoluer face à de tels partenaires.
On guette ses répliques,
On subit douloureusement celles des autres.
Difficile dans ces conditions de retrouver l’intensité d’une tragédie déchirante.
Pareille disparité peut être attribuée au choix de Johanny Bert, le metteur en scène.
Plasticien il signe aussi le décor qui se veut poétique.
Tous ces meubles descendus des cintres pour décrire la maison n’y peuvent mais,
L’incursion fantomatique du Père prête à sourire.
Calamiteuse, cette distribution ampute, distord, grève le texte de Lagarce,
déséquilibre criant allant jusqu’à instiller le doute sur les qualités de l’auteur, son talent dramatique.
Implacable démonstration,
Effet dévastateur assuré.