l’inoubliable présence du comédien dans « Juste la fin du monde ».
Impossible d’y parvenir jusqu’à l’antépénultième représentation.
En dépit d’une parution « a posteriori »,
La qualité de la soirée mérite pleinement la rédaction de cette chronique décalée.
Critiqué sans ménagement pour sa mise en scène de « Juste la fin du monde »,
dans cet opus Johanny Bert nous livre un travail remarquable de sensible sobriété.
Au rythme des dessins illustratifs d’Irène Vignaud, rapides traits blancs projetés en direct
sur l’encadrement noir du plateau,
Apparaît Vincent Dedienne dans l’ouverture découpée au milieu des panneaux.
Debout, excluant tout déplacement intempestif, il suffira au comédien de quelques mouvements
mesurés pour observer un croquis, prendre un peu de recul ou s’avancer en bord de scène.
Il nous livre, chronologiquement le récit de sa vie,
débute par le constat lucide, placide, résigné, du manque d’amour de son père :
« Mon Père me m’aimait pas ». « Avoir un fils efféminé, il devait être déçu ».
L’incommunicabilité avec les siens, le besoin d’écrire dès son plus jeune âge, sa passion
pour le théâtre, l’énumération de la disparition des figures tutélaires telles Delphine
Seyrig ou Simone Signoret, Bernard-Marie Koltès, Cyril Collard, incisent et scandent
les dates du journal.
Révélateurs d’une vie libérée et refusant toute entrave, les récits décomplexés de ses
innombrables rencontres sans lendemain en constituent l’essentiel.
Crues, réalistes, ces unions furtives peuvent révéler un esprit critique au comique corrosif, qui n'épargne pas
davantage ses parents. Leur voyage à Paris en constitue un sommet caricatural.
Une immense solitude caractérise cependant ces choix assumés :
« J’écris parce qu’on ne m’aime pas assez ».
Aveu déchirant, comme cette peur secrète, funeste et terrible prémonition :
« Je vais mourir lentement d’une longue maladie »
que suit cette affirmation, telle un défi :
« Cela satisfait ma vanité ».
Sans davantage de concession à l’arrivée du Sida en France, il constate :
« Dans cette méfiance on finit par regarder l’autre, autant savoir avec qui mourir ».
Nouvelle dimension tragique d’une vie qui prendra fin à l’âge de trente six ans.
Ne cédant en rien de sa liberté, les passages dramatiques se suivent, constats laconiques et
terribles : récits de ses voyages, des épreuves du traitement, des rapports avec les
soignants, de la mort de Gary, ancien mannequin au stade ultime qu’il recueille à la veille
de mourir dans ses bras, avant d’atteindre à son tour cette fin tragique.
Tout en retenue, parfois flotte un sourire triste sur le visage du comédien, être incompris
des siens ; amusé, il nous fait partager ses dragues, laconique, il donne toute sa profondeur
à la tragédie mortelle qui s’étend et le frappe à son tour, juste quand triomphe son théâtre.
Accomplissement du drame.
Soirée marquante.
Incarnation bouleversante,
Vincent Dedienne véritablement remarquable.