L’accablement le dispute à la colère.
Après le massacre des « Les Fausses Confidences » par Alain Françon, Lulu de mai 2025,
Voilà un « Cyrano » pitoyable.
Le rôle est une gageure,
Il requiert l’excellence :
Celle de Gérard Depardieu, au cinéma.
Au théâtre, Lulu conserve les souvenirs non moins inoubliables de la mise en scène de Lavaudant à Sceaux, Lulu de décembre 2013,
et de celle, combien audacieuse, de Pitoiset avec Philippe Torreton-Cyrano interné dans un asile, Lulu de Février 2014.
Rien de comparable dans la mise en scène d’Anne Kessler.
Je la qualifierai de « sous-lecture ».
Au son d’un guitareux ou d’un accordéoniste, sans intérêt aucun,
Dans un décor à prétentions pseudo poétiques, des toiles beigeasses transformables, tour à tour pauvre cirque ambulant cerné d’ampoules, tristes murs du balcon, ballots encombrants du camp d’Arras, enfin ramassées en deux énormes abat-jour, « dômes » d’église, pour la scène finale au couvent ;
Vêtus d’ improbables costumes, défroques sans âge ni style, associant parfois petit chapeau tyrolien et capotes de trouffions contrastant avec les somptueuses tenues de Roxane, signés Michel Dussarat (jadis autrement inspiré et inventif)
Pour entourer Cyrano, pas moins de quatorze comédiens brillent du feu de leur affligeante médiocrité.
Par charité préservons leur anonymat.
Christian, l’Apollon : un gringalet à la triste figure, traits ingrats, longs cheveux poisseux, perdu dans son informe uniforme, voyez le bellâtre.
Roxane : certes une déesse, vêtue comme une Princesse. Pour seule force de séduction : son physique. Insuffisant vraiment.
Ragueno : en fait des tonnes. Il n’est pas le seul.
Et Cyrano, Edouard Baer ? A son entrée, un Pauvre hère coiffé d’un ridicule petit chapeau « tyrolien » à la plume étique.
Son faux nez réduit : à l’image de son interprétation : rétrécie à pleurer.
La fameuse tirade : De la bouillie pour chats.
Alexandrins amputés par un début « mezzo vocce » finissant sur le dernier mot fortissimo,
le texte n’existe plus,
force coups de mentons et moulinets de bras ne peuvent compenser une diction inexistante.
Sans effets vocaux, l’émotion se perçoit enfin dans l’aveu sous le balcon.
Dans cette ambiance de foire, voire de guinguette,
Avec cette distribution défaillante dans son ensemble,
L’accumulation d’effets injustifiés ( entre autres le travestissement des filles en vaillants gascons habillés en moussaillons, une auréole d’ampoules au-dessus de Roxane au balcon, )
Parviennent à l’exploit jamais encore réalisé : tuer toute flamboyance à ce texte admirable, toute musicalité aux alexandrins, toute richesse aux personnages.
Médiocre, étriqué, dénaturé, ordinaire,
Pitoyable Cyrano.
Il a tué son panache,
et nous assassine.
Voilà le triste sort de nos classiques de cette saison.
Déplorable.