Au tour de Pierre Boulez de se voir dédié cette soirée souhaitée par Stéphane Lissner,
Réunissant trois musiciens et trois chorégraphes, trois ballets la composent.
En ouverture, une entrée au répertoire.
Une révélation, un moment de pur bonheur de balletomane.
Sur dix pièces pour piano de Görgy Ligeti, ami et complice de Boulez,
« Polyphonia » de Christopher Wheeldon, créé en 2001pour le New York City Ballet.
Dans ce ballet, l’américain illustre avec un rare sens « balanchinien » toute la sensualité, la sobriété et l’élégance absolue de la danse moderne.
Dans de belles couleurs aubergine pour les filles en maillot à fines bretelles et bleu de chine pour les garçons en collants et tee-shirts, jouant sur les éclairages du fond de scène pour changer les ambiances, quatre couples de danseurs évolueront d’abord en ensemble, puis séparément, ou par groupe de filles ou garçons.
Déliés dans d’admirables portées, ou virevoltant comme dans une envolée, tumultueux ou sensuels, les danseurs adhèrent très subtilement aux différentes humeurs exprimées par la musique tour à tour joyeuse ou tourmentée, profonde ou recueillie, du compositeur.
Une esthétique parfaite, rigoureuse, maitrisée domine l’ensemble de cette chorégraphie totalement séduisante,
Des danseurs emportés aussi par leur interprétation,
Et le spectateur à nouveau comblé après de précédentes et cuisantes déceptions.
Sur « Anthème 2 », pièce pour violon et électronique de Pierre Boulez, Wayne Mcgregor signe la création d’ « Alea Sands » avec la collaboration D’Haroon Mirza pour la scénographie.
Débutée par un prologue sur les crépitements intermittents des ampoules électriques du plafond de Chagall qui s’allument et s’éteignent, des points et spirales lumineuses projetées sur le rideau anti-incendie du fond du plateau accompagneront tout le ballet.
Plongé dans une semi-obscurité, habillés d’académiques les plus disgracieux jamais créés ( Gareth Pugh), des lambeaux noirs s’étalant par endroit sur la chair, laissée comme dénudée ailleurs ( notamment les fesses de Marie-Agnès Gillot) dénaturent le mouvement des corps comme morcelés par ces vilaines zébrures,
Plongés dans une lumière sépulcrale, les danseurs se livrent à d’étranges contorsions dans une chorégraphie spectrale, tels des insectes affolés, convulsif ou agonisants.
La recherche est incontestable,
La séduction moins assurée.
L’opus se laisse regarder,
Boulez mériterait mieux.
Pour clore la soirée « Le sacre du Printemps » dont la direction par Pierre Boulez fait référence.
Bien des années après sa création, la chorégraphie de Pina Bausch conserve une puissance dramatique inaltérable.
Palpitante, violente, sacrificielle, fatale, cette danse sacrale, devenu mise à mort, dégage une force rare que l’ensemble de la troupe de l’Opéra porte à l’incandescence.
Revêtue de sa robe couleur sang, se donnant sans compter, tout en sensibilité palpable, frémissante, tremblante, éperdue, Alice Renavand incarne l’élue avec une émotion qui bouleverse.
D’une intensité dramatique exceptionnelle, servie dans un ensemble admirable, l’œuvre s’impose avec la force de l’évidence : un chef d’œuvre.
Deux grands moments de danse.
Une soirée de haut niveau.
Un plaisir enfin retrouvé.