Ne croyez pas davantage qu’il s’agisse d’une improbable relecture.
Et loin de moi l’envie de crier à la trahison.
Du texte du grand poète vous n’entendrez que quelques courts extraits.
Ils résonneront avec une poésie intacte, une profondeur absolue, une rare intensité dramatique, qu’ils soient dits en anglais, ou en français dans la très belle traduction de Jean-Michel Déprats.
Mais telle une funambule au-dessus du gouffre, Nathalie Béasse, n’hésite pas à prendre tous les risques.
Elle traite la tragédie en courtes saynètes nous déstabilisant chaque fois, nous surprenant toujours.
Au travers de tableaux muets et désopilants évoquant les assassinats, batailles et fuites,
dans de courtes séquences où, comme au sein d’une famille d’aujourd’hui ou entre des collègues de travail, s’exprime la violence des conflits, des douleurs, des rivalités ;
avec des accessoires limités : une longue table » multi-usages « déplacée sur le plateau, quelques vieux rideaux défraîchis, de fausses plantes vertes, des animaux empaillés ( tête de sanglier , de biche, chien de compagnie assis sur ses pattes arrières, faisans et autre bestioles) une caisse sur roulettes, sans oublier la banane fraîche ;
Nathalie Béasse crée un spectacle déroutant certes, mais audacieux et inventif, fourmillant d’idées jamais gratuites, moins encore narcissiques.
Gags visuels, burlesque digne d’Helza Poppin, dans les scènes de la banane, ou de la déroute des armées de Richard, comique de situation dans celle de la tache de vin, humour « noir » dans celle la conspiration des sbires chargés de tuer le duc d’york, magnifient les passages dramatiques de la pièce originale choisis avec pertinence.
Erik Gerken, comédien danois, parait avoir grandi à Stadford Upon Avon. Aussi excellent en français, si ses expressions de chien mouillé rendent le souverain aussi pitoyable il est grand tragédien dans la tirade de la conscience, assis seul à l’extrémité de la longue table nue.
Encore remarquable dans tous les registres, Etienne Fague, connu des amateurs de « Kaamelott .
Leurs camarades, Sabrina Delarue, Anne Reymann, Karim Fatihi et Béatrice Godicheau ne déméritent pas.
Nathalie Béasse signe ici son troisième spectacle.
Ce premier travail consacré à Shakespeare est une réussite.
Je n’en dévoilerai pas davantage.
A vous de le découvrir.