Cette pièce de Gorki révèle la profonde humanité de l’auteur, son empathie envers des personnages, sans doute croisés au cours d’une jeunesse d’indigent, déjà évoqués dans ses premiers écrits, ouvrier misérable, baron ruiné, acteur alcoolique, filles sans joie…
Dans cette « cave comme une grotte », accablement, désespoir, révolte, violence, animent ces malheureux.
Face à eux, Thénardier russes, Kostilev et sa femme Vassilissa, « tenanciers » sans scrupules, Pepel le voleur exécutant du couple d’exploiteurs, un flic véreux et Natacha, sœur de Vassilissa, martyrisée par sa famille.
Ainsi dominée par d’effroyables profiteurs de la misère, l’absolue noirceur de cette société se voit soudain éclairée par l’arrivée de Louka.
Figure rédemptrice face à ces damnés, incarnation de la douceur et de la tolérance, son passage dans cette communauté d’hommes perdus viendra momentanément bouleverser « l’ordre établi » jusqu’à sa fuite après la bagarre qui provoquera la mort de Kostilev tué par ses locataires révoltés.
La fatalité s’abattra sur les destins sans lendemain : Pepel accusé à tort du meurtre est emprisonné, l’acteur alcoolique finit par se pendre, pour les autres la « vie » reprend dans une folle beuverie.
Pétri de tendresse et d’empathie envers ses personnages, le texte de Gorki recèle d’admirables réflexions sur la condition humaine,
Rédigées dans la plus simple formulation, quelques mots suffisent à résumer tout un univers, à nous émouvoir au plus profond :
« J’attends. Il n’y a rien à attendre » dit l’un
« Personne n’a de vie ici » constate l’autre
« Il faut bien qu’il y ait un peu de pitié dans le monde » les encourage Louka.
« Il y a des gens et puis il y a des hommes » réplique-t-il encore à Kostilev.
Ne sont que quelques exemples,
Lapidaires : tout est dit, tout effet superflu.
Saturés jusqu’à l’écoeurement de mises en scène dogmatiques, aussi démonstrative qu’engagées ; d’acteurs transformés en marionnettes désarticulées et hurlantes,
Après « Tartuffe » véritablement caricatural présenté sur la même scène il y a quelques années,
Sans doute motivé par la même volonté pédagogique,
Eric Lacascade signe une fois encore un travail où les innombrables ajouts visuels gratuits, (jets de bières, introduction de verre dans l’anus etc…)
Viennent amoindrir, voire neutraliser, la portée, la beauté et la profondeur du texte.
Fausses audaces,
Prétendue modernisation,
Aussi démodé qu’assommant.