Lulu a vu
  • Home
  • Critiques théatrales
  • Musique & Danse
  • Expositions
  • Ecrire à Lulu

L’Ecole des femmes de Molière, avec Pierre Santini, mise en scène d’Armand Eloi, au Théâtre 14 jusqu’au 31 décembre.

16/11/2015

6 Commentaires

 
​Cruel apprentissage.
Au lever de rideau, comme une enfant, perchée dans sa cage aux reflets cuivrés, baignée dans un flot de lumières, Agnès se balance mollement sur une escarpolette.
Au final, assis dans sa gloriette, dos au public, vouté, accablé, Arnolphe reste seul :
Un vaincu, inconsolable, face à sa douleur. 

Le frêle oisillon a pris son envol,
La cage de la prisonnière se referme sur le « geôlier »

A elles seules, la  scénographie d’Emmanuelle Sage-Lenoir, et les lumières de Rodolphe Hazo, les costumes de Paul Andriamanana, nous donnent la mesure de cette admirable «  Ecole des femmes ».

Dans ce «  jardin imaginaire »,  avec cette cage qui se métamorphose en gloriette, 
«  Vision courtoise du monde » avec sa longue grille qui ferme de plateau sur fond d’un vert abstrait, paysage aussi indéfini, 
Se déroulera l’intrigue que Molière créa sur un registre essentiellement comique.

Profonde,  mais sans lourdeur aucune, la mise en scène d’Armand Eloi, au- delà ses grands moments de rire, souligne, avec le même bonheur les innombrables richesses de ce texte admirable.

Cocuage moqué à plaisir, fatuité d’amoureux,  feinte docilité des serviteurs sont prétextes aux scènes les plus cocasses qui soient.
Dénonciation de «  l’asservissement » des femmes et du despotisme masculin,
Opposée à la finesse et la rouerie féminine en quête d’indépendance,
Donnent lieu à des situations d’une rare intensité.

Arlette Allain, Georgette, et Michel Melki, Alain, forment un couple de serviteurs impayables : pleutres, corrompus, serviles ; pauvres valets esquivant les coups du maître, empochant les pourboires, toujours complices du plus offrant.

Cyrille Artaux, Chrysalde, incarne la pondération. 
Il s’efforce de raisonner son ami excessif :
«  Le cocuage n’est que ce que l’on en fait », 
Le met en garde sur son attitude vis-à-vis d’Agnès : 
«  Vous risquez diablement qu’elle soit d’une ignorance extrême »,
Pour conclure :
«  Je le tiens fou sur toutes les manières ».

Jimmy Marais, Horace, resplendissant dans sa  jaquette fraise écrasée, séduirait la plus réfractaire des donzelles :
Son éclatante jeunesse, son charme, et sa flamme opèrent à tout coup. 
Victime de sa «  gloire » d’amoureux triomphant, le ridicule et l’aveuglement ne l’épargneront pas pour autant.

Anne-Clotilde Rampon, Agnès, solaire dans sa courte robe jaune bouton d’or, ruban rubis, assorti à ses chaussures, ornant sa belle chevelure sombre, possède toute la grâce et l’innocence de la jeune personne.
Désarmante d’ingénuité en confessant les émotions de ses premiers émois, 
Elle ne manque cependant pas de discernement face à la condition où la tient Arnolphe.
Soumise par nécessité, docile par son éducation, mais déterminée par amour, elle osera s’affirmer face à la volonté du barbon despotique.

Voilà encore deux jeunes premiers promis à un brillant avenir.

Borné, obstiné : «  en femme comme en tout je veux suivre ma mode »,
Autoritaire et violent avec ses serviteurs,     
Arnolphe, alias «  Monsieur de la Souche » est un tyran avec Agnès.

Pierre Santini endosse le rôle avec grandeur : 
Méprisable et odieux dans les débuts de l’action, 
Brutal avec ses valets,
Tenant «  au secret » la pupille dont il est fou,
 Sourd aux injonctions amicales de Chrysalde, 
Manipulant le naïf Horace grisé par sa conquête,
Méprisant le «  beau sexe » : 
«  La femme est en effet le potage de l’homme » 
 Son aveugle passion pour Agnès le conduira aux extrémités.
Coercitif et impuissant à la foi :
«  Il faut que je crève, je l’aime,
Et mon grand amour est mon grand embarras »,
Il finira sa propre dupe.
Consumé de chagrin, 
Anéanti de douleur.

Ultime tableau, terrible, déchirant : 
Un homme haïssable,
Pitoyable soudain.

Détruit, consumé par une impossible passion, 
Le comédien nous bouleverse comme il nous a révoltés.
 Des souffrances ne sont pas sans rappeler celles de notre génie : 
 Molière rongé de jalousie face aux incartades et la jeune et infidèle Armande.

Pièce d’une modernité confondante près de trois siècles après sa création,
Cette «  Ecole des femmes » est une totale réussite :
L’illustration d’un théâtre «  exemplaire » en tout point. 
6 Commentaires
Penot
18/11/2015 01:22:40 am

Une critique de qualité. La preuve : Lacy n'est pas cité.

Réponse
Jean-Pierre MICHEL link
20/11/2015 02:36:27 am

Magnifique "lecture" et critique de cette grande pièce de Molière. Un modèle d'attention, d'amour du théâtre; grande et fine Lulu, soyez-en remercié, une fois encore.

Réponse
Patricia Garit
20/11/2015 09:57:55 am

Bravo pour cette narration relatant une des plus belles pièce de Moliere.
Grand merci pour alléger ces moments si anxiogènes

Réponse
Frédérique Breitner
22/11/2015 01:39:39 am

Merci Lulu de nous enchanter avec vos conseils avisés, c'est du bonheur de vous lire.

Réponse
Anne
31/12/2015 12:29:50 am

Vu sur votre conseil: un enchantement. Santini grandiose et très bien entouré.
J'espère que la production sera reprise, ou tournera.

Réponse
NICOLE FACHE
4/6/2016 12:26:33 am

Je vous avais vu il y a fort longtemps au théâtre de la Mer à Sète dans Don Quichotte avec Rufus . J'en garde un magnifique souvenir. Je vois dans le programme que vous serez au Cap d'Agde le 28 janvier 2007 dans l'Ecole des Femmes , je me réjouis à l'avance de venir vous applaudir . Le théâtre en province c'est une grande chose grâce à de grands acteurs qui viennent nous voir . Merci

Réponse



Laisser une réponse.

    Suivez Lulu sur Facebook


    Archives

    Juin 2022
    Mai 2022
    Avril 2022
    Mars 2022
    Février 2022
    Janvier 2022
    Décembre 2021
    Novembre 2021
    Octobre 2021
    Octobre 2020
    Juin 2020
    Avril 2020
    Février 2020
    Janvier 2020
    Décembre 2019
    Novembre 2019
    Octobre 2019
    Septembre 2019
    Mai 2019
    Avril 2019
    Mars 2019
    Février 2019
    Janvier 2019
    Décembre 2018
    Novembre 2018
    Octobre 2018
    Juin 2018
    Mai 2018
    Avril 2018
    Mars 2018
    Février 2018
    Janvier 2018
    Décembre 2017
    Novembre 2017
    Octobre 2017
    Septembre 2017
    Juin 2017
    Mai 2017
    Avril 2017
    Mars 2017
    Février 2017
    Janvier 2017
    Décembre 2016
    Novembre 2016
    Octobre 2016
    Septembre 2016
    Juillet 2016
    Juin 2016
    Mai 2016
    Avril 2016
    Mars 2016
    Février 2016
    Décembre 2015
    Novembre 2015
    Octobre 2015
    Septembre 2015
    Juin 2015
    Mai 2015
    Avril 2015
    Mars 2015
    Février 2015
    Janvier 2015
    Décembre 2014
    Novembre 2014
    Octobre 2014
    Septembre 2014
    Juillet 2014
    Juin 2014
    Mai 2014
    Avril 2014
    Mars 2014
    Février 2014
    Janvier 2014
    Décembre 2013
    Novembre 2013
    Octobre 2013
    Septembre 2013
    Juillet 2013
    Juin 2013
    Mai 2013
    Avril 2013
    Mars 2013
    Février 2013
    Janvier 2013
    Décembre 2012
    Novembre 2012
    Octobre 2012
    Septembre 2012
    Juillet 2012
    Mai 2012
    Avril 2012
    Mars 2012
    Février 2012
    Janvier 2012
    Décembre 2011

    Photo
Propulsé par Créez votre propre site Web unique avec des modèles personnalisables.