A ses côtés, Maxime Lombard est Ben, son compagnon de toujours.
La profession des deux amis inséparables : tueurs à gages au long cours.
Réunis une fois de plus, dans un lieu indéterminé, aveugle, un sous-sol probablement, ils « tuent » le temps dans l’attente de l’ordre d’exécution du « contrat ».
Décrits avec une ironie toute pintérienne, on les observe, échangeant des considérations diverses.
D’un côté, Ben, plongé dans son journal, commente, les faits divers :
La mort d’un octogénaire écrasé par le camion sous lequel il rampait pour traverser une chaussée encombrée, l’horrifie,
Perspicace, la mort d’un petit chat tué par une fillette de huit ans, lui fait suspecter le grand frère témoin de l’évènement.
Gus, davantage préoccupé de leur « affaire » se plaint des conditions de travail.
Lits inconfortables, chasse d’eau détraquée, réchaud à gaz inutilisable, sont autant de sujets de récrimination d’ordre pratique.
Seul le service à thé mis à disposition, le séduit. Sa description est un condensé d’humour britannique.
Chamailleries à propos d’expression utilisées pour faire chauffer la bouilloire,
Exaspération provoquée par l’attente,
Evocation de situations antérieures plus plaisantes pour l’exercice du métier par Gus,
S’oppose à l’indifférence de Ben, n’hésitant pas à « recadrer » son copain.
L’intervention insolite, inexpliquée, d’un monte -charge lesté de commandes gastronomiques, sèmera soudain chez les deux acolytes trouble, incompréhension, et crainte.
Ne comptez pas sur moi pour vous dévoiler la fin brutale de cette première pièce de Pinter ;
Le spectacle, qu’on imagine encore plus britannique en version originale, Avec tout le flegme requis par cet humour pince sans rire, laconique et parfaitement absurde,
L’insidieux coté menaçant qui pointe, inquiétant et indéfini, dans toute l’œuvre de Pinter,
Sont très justement servis par la mise en scène de Christophe Lombard, et l’adaptation d’Eric Kahane.
Claire Vaysse, avec ce sous-sol sordide, a créé le décor parfait pour la situation.
Bonhomme, râleur, velléitaire dans ses mouvements d’humeur, raisonneur audacieux et craintif, Jacques Boudet , Gus, est un tueur presque poétique, nostalgique, délicat.
Ce comédien subtil, « colle » à son personnage avec un charme particulier.
Pour lui donner la réplique, plus bourru, autoritaire et borné, Maxime Lombard nous gratifie parfois d’un léger accent marseillais. Inattendu. Mais après tout, la pègre n’a pas de frontière.
« Ressuscitée » comme l’a précisé Philippe Tesson au soir de la première,
Voilà une œuvre qui n’avait pas été montée depuis trente ans !
Rassurez-vous, elle n’a pas pris une ride.
« Entre burlesque et tragique » comme la définit Christophe Gand,
Noirceur désabusée et humour caustique sont savamment distillés au cours de cette conversation singulière.
Aller l’écouter, sans en perdre une miette :
A l’image du prix Nobel disparu : d’une troublante délectation.