Dans cette chronique j’avais déjà salué un très réussi « Monsieur chasse » de Feydau ( Lulu du 26 juin 2013 ).
Cette saison j’applaudis des deux mains à ce « Mariage de Figaro ».
Authentique homme de théâtre, voilà enfin un metteur en scène différent de ses nombreux « confrères » qui préfèrent « se servir » plutôt que de « servir » nos grands auteurs.
Et n’allez pas croire que je défende les mises en scène de « Papa », ringardes, poussiéreuses, sottement nostalgiques.
Je suis la première à saluer ici les véritables créateurs.
Et ne fais que dénoncer, inlassablement, toutes les prétendues relectures, prétexte à de narcissiques auto- satisfactions à destination d’un public mystifié.
Allègre, enlevée, la représentation passe comme dans un souffle.
Et souffle à nos oreilles tout l’esprit de Beaumarchais.
A la gaité s’allie la critique,
L’audace, la clairvoyance du propos trouvent, particulièrement aujourd’hui, un formidable écho chez chacun d’entre nous.
Abus de pouvoir des puissants, place des femmes, exercice de la censure, injustices :
Maux combattus, toujours invaincus.
Beaumarchais dénonce, jamais il n’importune.
Sous la légèreté et le badinage si propre au siècle des Lumières, le texte vif, aigu, pétri d’intelligence joyeuse, moqueuse, démasque impitoyablement la noirceur du monde.
Décor( Amélie Tribout) et costumes( Aurore Popineau) recréent délicieusement l’élégance du temps
Un ciel d’azur, encombré de quelques nuages vaporeux, ferme le fond de plateau. S’y découpent trois portes « dérobées » qui serviront aux entrées et sorties des protagonistes.
Se détachent sur ce fond les exquises couleurs, perle, rose fané, paille cognac, des costumes d’époque, véritable tableau de fête galante.
Il prend vie et aussitôt s’anime grâce à l’excellente troupe présente sur le plateau.
Eric Herson-Macarel et Agnès Ramy forment un merveilleux couple Figaro-Suzanne. Parfaitement assortis, amoureux et rusés, ils ont la jeunesse, la fougue l’insolence de leurs personnages. Jeu intensément nourri, avec beaucoup de présence, ils déclinent à merveille toute la palette des sentiments contenus dans leurs rôles.
Avec les irrésistibles le Chérubin de Thomas Sagols, aussi embarrassé par ses émois qu’empêtrer sous déguisements, l’Antonio de Pierre Trapet, jardinier ivrogne au savoureux parler paysan, et le Brid’Oison de Jean-Marie Sirgue, redoutable de bêtise bégayante sous ses noirs habits, le comique est assuré.
Xavier Simonin est un comte à la morgue toute aristocratique, aux déconvenues assumées avec rage. Sa haute taille lui confère prestance et autorité toute aristocratique.
Claire Mirande, Marceline, nous fait respirer comme un parfum de Madeleine Renaud, tant elle est fine, délicate, néanmoins assurée dans la merveilleuse tirade sur la condition féminine.
L’esprit et la lettre, pétillant, insolent,
Jamais sentencieux.
Voilà bien Pierre Augustin Caron de Beaumarchais
Jean-Paul Tribout en a tout saisi.
En conclusion, paraphrasons :
Rien à châtier dans ce Figaro.