C’est à Philippe Torreton que revient l’idée de cette « version » modernisée, transposée au premier degré.
La chemise brune troquée pour le costume noir,
L’action se déroule aujourd’hui avec l’élection à la « présidentielle » d’un « fasciste » aux méthodes meurtrières et violentes inchangées grâce au recours de la corruption généralisée.
Pour plus de réalisme, le cartel alimentaire remplace le trust du chou –fleur,
Les bas-fonds de Chicago deviennent salle de réunion au confort contemporain feutré devant un mur de chambre froide pour stockage de cadavres,
Et grand écran pour projection d’intermèdes musicaux, de Verdi à Carl Orff, à but politico- illustratifs.
La leçon de maintien et de diction est nécessairement donnée par un comédien entièrement nu, debout sur la table, un écriteau autour du cou.
Le final nous réserve le triomphe électoral :
A son pupitre, Arturo Ui prononce un discours,
« Autorité, Inégalité, Identité « s’inscrivent successivement sur fond de drapeau tricolore largement déployé.
Essentiellement allusive,
Ridiculisant volontairement les criminels
La pièce de Brecht n’est qu’ironie, sarcasme, rire grinçant, bouffonnerie tragique.
Comparer le dictateur à un vulgaire gangster, un minable, un raté,
Là repose tout le génie de l’auteur,
S’exprime sa volonté de « distanciation ».
La parodie, sa réponse au désespoir,
La moquerie, à la douleur de l’exil.
Jetés aux oubliettes dernière scène et épilogue.
Poubellisée de même l’ultime phrase si belle et si profonde :
« Le ventre est encore fécond d’où a surgi la chose immonde ».
D’un conformisme comparable à une fête paroissiale,
Méprisante pour un public jugé incapable de réfléchir par lui-même,
Démonstration caricaturale du besoin de « relecture »,
La représentation imaginée par le trio Pitoiset, Loayza, Torreton,
Manque sa cible,
Assassine le texte.
Pour reprendre ma citation préférée de Montesquieu :
« Le sérieux est l’intelligence des sots »,
La trahison de l’auteur en sus.